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25 septembre 2015 5 25 /09 /septembre /2015 13:36

Les calculettes surchauffent. À mesure que les syndicats de fonctionnaires font connaître leur décision de signer ou pas le protocole d'accord Lebranchu - qui prévoit entre autres le passage des travailleurs sociaux en catégorie A - le décompte se fait de plus en plus précis. À six jours de la date butoir, il semblerait que le camp du "oui" soit minoritaire.

Manuel Valls et Marylise Lebranchu ont eu beau mouiller la chemise, la partie semble presque jouée : il paraît pour l'heure compromis de trouver une majorité syndicale pour signer le projet d'accord "sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations dans la fonction publique" (PPCR) - soumis à la signature en juillet dernier - et qui prévoit une revalorisation des fonctionnaires de la filière sociale au niveau licence, et donc un passage de la catégorie B à la catégorie A.
Le chef du gouvernement et la ministre de la fonction publique se sont montrés fermes sur ce point : "cet accord devra, pour être applicable, recueillir la signature d'une majorité des syndicats de la fonction publique". A défaut, aucune des mesures qu'il contient ne sera appliquée. Le problème c'est qu'il ne porte pas uniquement sur la filière sociale ; la revalorisation des travailleurs sociaux est liée à un tas d'autres clauses dont les syndicats - certains d'entre eux - ne veulent pas.

Pas de majorité syndicale

A six jours de la date butoir - le 30 septembre -, les chances d'obtenir un accord sont maigres. Après les signatures de la FSU (8 %), de la CFE-CGC (2,9 %), de la CFTC (3,3 %), de la FA-FP (2,6 %) et de l'Unsa (10,3 %), le camp du "oui" rassemble 27,1 % des voix. Seulement voilà, FO est venu lundi 21 septembre doucher les espoirs des plus optimistes : en annonçant qu'elle voterait "contre", Force ouvrière emporte avec elle ses 18,6 % de voix. Solidaires (6,8 %) et la CGT (premier syndicat de fonctionnaires avec 23,1 % de représentativité) devraient faire de même.
Le vote favorable de la CFDT (19,2 %) - attendu ce 24 septembre - ne porterait les voix du "oui" qu'à 46,3 %, soit moins que les 50 % requis pour un accord majoritaire.

Les travailleurs sociaux ne pèsent pas autant que les infirmières

La pilule risque d'être difficile à avaler chez les travailleurs sociaux. Jean-Marie Vauchez, président de l'Organisation nationale des éducateurs spécialisés (Ones), ne cache pas sa colère : "Je suis consterné que les organisations syndicales ne signent pas. C'est une avancée attendue par les travailleurs sociaux depuis longtemps. Nous sommes dans un contexte de pénurie totale : les salaires sont bloqués depuis des années dans le public et dans le privé, tandis que le coût de la vie ne cesse d'augmenter". Il regrette que "les travailleurs sociaux passent toujours tout à la fin, bien après toutes les catégories" alors qu'en termes d'effectifs, leur poids est loin d'être négligeable.

Les travailleurs sociaux de niveau III relevant d'employeurs publics représentent environ 65 615 équivalents temps plein (ETP), dont environ 7 400 dans la fonction publique de l'Etat (FPE) ; 44 000 dans la fonction publique territoriale (FPT), surtout concentrés dans les départements ; et 14 000 dans la fonction publique hospitalière (FPH).


Alors pourquoi leur voix porte-t-elle si peu ? Manque information, déficit de représentation, difficultés à fédérer une profession atomisée, financeurs multiples… Autant de raisons qui peuvent expliquer la discrétion de leurs revendications dans l'espace public. "Les travailleurs sociaux du secteur social et médico-social pèsent moins que les personnels du sanitaire", pressent Jean-Marie Vauchez, persuadé que "jamais un syndicat n'aurait pris le risque de signer contre les infirmières". En tout cas, prévient-il, "si les syndicats ne signent pas, il va falloir qu'ils nous expliquent pourquoi. D'autant qu''ils ont milité à nos côtés, et signé des pétitions pour obtenir une reconnaissance au niveau licence ; FO et la CGT étaient même des fers de lance", se souvient le président de l'Ones, pour qui "il faut savoir prendre ce que l'on nous donne d'un côté et continuer le combat de l'autre".

"Chantage" du gouvernement

Un peu gêné aux entournures, le camp d'en face affûte ses arguments. Dans un communiqué du 21 septembre, FO explique que ce protocole est "insuffisant et n'offre pas la revalorisation attendue par les agents publics" ; le syndicat refuse "la culpabilisation ou l'ostracisation des organisations syndicales indépendantes". Luc Delrue, secrétaire fédéral des services publics et de santé FO, abonde en ce sens : "C'est un marché de dupes. Manuel Valls rend les syndicats responsables mais il faut savoir que le processus de revalorisation de la filière sociale ne débuterait qu'en 2018. Donc, nous n'avons aucune garantie d'un réel passage en catégorie A. Notre positionnement n'est pas dirigé contre la filière sociale, nous portons cette revendication de longue date. Mais accepter ces conditions, c'est refuser de continuer le combat pour obtenir le rattrapage de pouvoir d'achat lié au gel du point d'indice dans la fonction publique depuis 2010. Nous espérons réunir dans un avenir proche un rapport de force suffisant et nous n'allons pas abandonner la bataille. Nous voulons mettre un coup d'arrêt à la politique d'austérité et espérons que le gouvernement prendra ses responsabilités. Nous sommes pour une augmentation générale des salaires", explique le responsable FO.

Même si le chiffrage de l'ensemble des mesures contenues dans le protocole d'accord Lebranchu n'apparaît pas clairement, le coût de la réforme des grilles salariales est évalué entre 4,5 à 5 milliards d'euros pour l'ensemble de la fonction publique à l'horizon 2020 (chiffres de la Cour des comptes).


Si à la CGT, on ne tient pas trop à s'exprimer avant la décision officielle qui tombera le 29 septembre, on se justifie également : "Nous ne sommes pas un syndicat corporatiste, il faut voir l'intérêt général, le protocole est beaucoup plus large. De plus, 2018 n'engage personne, le gouvernement ne sera plus le même. Enfin, si le gouvernement veut nous donner la catégorie A, il peut nous la donner par ailleurs. A la CGT, ce qui bloque c'est le point d'indice. On ne doit pas opposer les uns aux autres", affirme Magali Giorgetti, secrétaire nationale du syndicat de la CGT éducation, membre du bureau national UGFF-CGT.
Evelyne Rossignol et Corinne Normand (CGT services publics collectivités territoriales) reconnaissent que "les travailleurs sociaux sont demandeurs de ces mesures". Elles sont cependant convaincu qu'ils "sont tout à fait capables de comprendre qu'elles relèvent d'un ensemble plus vaste". Là-aussi, le calendrier pose question : "C'est un peu facile pour un gouvernement qui ne sera peut-être plus là, de s'engager aujourd'hui. En plus cet accord ne s'appliquera que s'il y a des décrets qui suivent car les collectivités ne sont pas obligées de mettre en œuvre un accord du gouvernement, en vertu du principe de libre administration. Il est trop simple de culpabiliser les organisations syndicales qui n'auront pas signé l'accord".

"Perdre son âme"

Au-delà des manoeuvres syndicales, la timide mobilisation autour de ces questions cache également des inquiétudes profondes sur le devenir des professions du social. "Ces derniers temps, nous avons un peu mis la pédale douce sur cette exigence de reconnaissance au niveau licence", explique Jean-Marie Vauchez (Ones), car les pouvoirs publics tentent "de nous vendre le niveau licence contre la réforme des diplômes". "On se dirigerait vers un professionnel de catégorie A de niveau licence – de type "Sozialarbeiter" en Allemagne, quelqu'un qui coordonnerait le parcours de l'usager ou le travail d'une équipe mais ne serait pas sur le terrain. Nous craignons que cela nous éloigne de notre cœur de métier, qui consiste avant tout à accompagner les gens. Le risque serait de perdre notre âme en échange d'une revalorisation au niveau licence", conclut méfiant le président de l'Ones.

Par Linda Daovannary , (TSA)

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